Le bouturage du laurier représente l’une des méthodes les plus gratifiantes et économiques pour multiplier cette plante emblématique de nos jardins méditerranéens. Cette technique ancestrale permet d’obtenir de nouveaux plants identiques à la plante mère, tout en préservant ses caractéristiques gustatives et ornementales. Que vous souhaitiez agrandir votre haie de lauriers ou partager cette plante généreuse avec vos proches, le bouturage offre un taux de réussite remarquable avec la bonne méthode.
Accessible aux jardiniers débutants comme aux plus expérimentés, cette pratique demande simplement de la patience, de la précision et le respect de quelques règles fondamentales. En maîtrisant les étapes du bouturage du laurier, vous découvrirez le plaisir de voir naître de nouvelles pousses et développerez une approche durable du jardinage.
Sommaire
Choix des variétés et matériels adaptés
Sélection des variétés de laurier
Le choix de la variété détermine en grande partie le succès de votre bouturage. Chaque espèce présente des spécificités qu’il convient de connaître :
- Laurier-sauce (Laurus nobilis) : Variété culinaire par excellence, se bouture facilement au printemps et en été
- Laurier-tin (Viburnum tinus) : Arbuste ornemental aux fleurs blanches, bouturage optimal en fin d’été
- Laurier-cerise (Prunus laurocerasus) : Idéal pour haies persistantes, bouturage réussi de juin à septembre
- Laurier-rose (Nerium oleander) : Floraison spectaculaire, bouturage dans l’eau particulièrement efficace
Matériel indispensable pour le bouturage
L’équipement approprié garantit des conditions d’hygiène optimales et facilite chaque étape :
- Sécateur bien affûté : Lames désinfectées à l’alcool à 70° pour éviter les contaminations
- Greffoir ou cutter propre : Pour retailler précisément les boutures
- Contenants de bouturage : Godets de 8-10 cm de diamètre ou caissettes perforées
- Substrat de qualité : Mélange drainant composé de tourbe, vermiculite et perlite
- Hormone de bouturage : Stimule l’enracinement, disponible en poudre ou gel
- Pulvérisateur à brouillard fin : Maintient l’humidité sans détremper le substrat

Préparation de l’espace de travail
Un environnement propre et organisé optimise les chances de réussite :
- Surface de travail désinfectée
- Éclairage suffisant pour observer les détails
- Température ambiante entre 18-22°C
- Protection contre les courants d’air
Conditions de culture optimales
Période idéale pour le bouturage
Le timing constitue un facteur déterminant pour la réussite du bouturage du laurier :
Bouturage de printemps (avril-mai) :
- Utilisation de rameaux semi-lignifiés de l’année précédente
- Période de forte activité végétative favorisant l’enracinement
- Température du sol en augmentation, stimulant le développement racinaire
Bouturage d’été (juin-août) :
- Prélèvement de pousses tendres de l’année en cours
- Conditions climatiques stables et chaudes
- Nécessite une surveillance accrue de l’humidité
Bouturage d’automne (septembre-octobre) :
- Rameaux aoûtés, plus résistants mais enracinement plus lent
- Conditions douces prolongeant la période d’enracinement
- Idéal pour les régions aux hivers cléments
Environnement de culture contrôlé
La création d’un microclimat adapté accélère considérablement l’enracinement :
Température optimale :
- Substrat maintenu entre 20-24°C
- Température ambiante de 18-22°C
- Éviter les écarts thermiques brutaux
Hygrométrie contrôlée :
- Humidité relative de 80-90% autour des boutures
- Utilisation d’une mini-serre ou de films plastiques perforés
- Aération quotidienne de 15-20 minutes pour éviter la stagnation
Luminosité adaptée :
- Lumière tamisée, jamais de soleil direct
- 12-14 heures de luminosité par jour
- Utilisation éventuelle d’un éclairage LED horticole en hiver
Guide de plantation étape par étape
Étape 1 : Prélèvement des boutures
Le prélèvement s’effectue de préférence le matin, lorsque les tissus végétaux sont bien hydratés :
- Sélection des rameaux : Choisir des pousses vigoureuses de 10-15 cm, sans fleurs ni boutons floraux
- Technique de coupe : Couper en biais sous un nœud, avec un sécateur propre et tranchant
- Conservation temporaire : Placer immédiatement dans un sac plastique humide si le travail est différé
Étape 2 : Préparation des boutures
Cette étape détermine la qualité de l’enracinement :
Taille et parage :
- Recouper la base en biseau juste sous un nœud
- Supprimer les feuilles de la moitié inférieure
- Réduire de moitié les feuilles restantes pour limiter l’évapotranspiration
- Éliminer les parties molles ou endommagées
Application de l’hormone de bouturage :
- Tremper la base sur 2-3 cm dans l’hormone en poudre
- Tapoter légèrement pour éliminer l’excès
- Respecter le dosage recommandé par le fabricant
Étape 3 : Mise en place dans le substrat
La plantation demande délicatesse et précision :
Préparation du substrat :
- Mélanger 50% de tourbe blonde, 30% de vermiculite, 20% de perlite
- Humidifier légèrement le mélange sans le détremper
- Remplir les contenants en tassant modérément
Plantation des boutures :
- Percer des trous de 4-5 cm de profondeur avec un crayon
- Insérer les boutures en évitant de frotter l’hormone
- Tasser délicatement autour de chaque bouture
- Espacer de 5-6 cm entre chaque plant
Étape 4 : Installation du système de protection
La protection crée les conditions idéales d’enracinement :
- Recouvrir d’un film plastique transparent perforé
- Maintenir le film à 10-15 cm au-dessus des boutures
- Fixer hermétiquement sur les bords du contenant
- Installer dans un endroit lumineux sans soleil direct
Entretien et soins réguliers
Gestion de l’arrosage
L’équilibre hydrique conditionne la survie des boutures pendant la phase critique d’enracinement :
Fréquence d’arrosage :
- Vérifier quotidiennement l’humidité du substrat
- Arroser par pulvérisation fine 2-3 fois par semaine
- Maintenir le substrat frais mais jamais détrempé
Technique de pulvérisation :
- Utiliser une eau à température ambiante, idéalement de pluie
- Pulvériser en brouillard fin sur le feuillage le matin
- Éviter les gouttelettes stagnantes sur les feuilles
Surveillance de l’évolution
L’observation régulière permet de détecter précocement les problèmes et d’ajuster les soins :
Signes positifs d’enracinement (après 3-6 semaines) :
- Apparition de nouvelles pousses terminales
- Fermeté accrue de la bouture
- Résistance légère lors d’une traction douce
- Développement de racines visibles par les trous de drainage
Indicateurs de stress hydrique :
- Flétrissement des feuilles malgré un substrat humide
- Brunissement des bords foliaires
- Chute prématurée des feuilles
Adaptation progressive aux conditions extérieures
L’acclimatation évite le choc de transplantation :
Phase d’endurcissement (après 6-8 semaines) :
- Entrouvrir progressivement la protection
- Augmenter graduellement les périodes d’aération
- Réduire la fréquence des pulvérisations
- Exposer progressivement à un éclairage plus intense
Prévention des problèmes courants
Lutte contre les maladies cryptogamiques
L’humidité élevée favorise le développement de champignons pathogènes :
Pourriture des boutures :
- Symptômes : Noircissement de la base, ramollissement des tissus
- Prévention : Drainage efficace, aération régulière, substrat stérilisé
- Traitement : Retirer les boutures atteintes, traiter préventivement au fongicide biologique
Fonte des semis :
- Symptômes : Étranglement au collet, flétrissement brutal
- Prévention : Désinfection du matériel, substrat drainant, éviter la stagnation d’eau
- Traitement : Isolement des plants sains, application de Trichoderma harzianum
Gestion des ravageurs
Certains insectes peuvent compromettre le développement des boutures :
Pucerons verts :
- Surveillance hebdomadaire des jeunes pousses
- Traitement précoce au savon noir (20 ml/L d’eau)
- Introduction d’auxiliaires naturels (coccinelles, chrysopes)
Aleurodes :
- Installation de pièges jaunes collants
- Pulvérisations d’huile de neem (suivre les dosages fabricant)
- Maintien d’une hygrométrie stable
Troubles physiologiques
Les déséquilibres environnementaux provoquent des symptômes caractéristiques :
Chlorose des feuilles :
- Jaunissement internervaire par excès de calcaire
- Correction par apport de sulfate de fer (2 g/L)
- Utilisation d’eau de pluie pour les arrosages futurs
Dessèchement des extrémités :
- Conséquence d’une hygrométrie insuffisante
- Augmentation de la fréquence des pulvérisations
- Vérification de l’étanchéité de la protection
Astuces d’expert et conseils avancés
Optimisation du taux d’enracinement
Les professionnels utilisent des techniques éprouvées pour maximiser les chances de réussite :
Scarification de la base :
- Réaliser 2-3 incisions superficielles dans l’écorce avec une lame propre
- Augmente la surface de contact avec l’hormone de bouturage
- Stimule la production de cals cicatriciels précurseurs des racines
Bouturage à l’étouffée perfectionné :
- Utilisation de bacs à multiplication avec chauffage par résistance électrique
- Maintien d’une température constante de 22-24°C au niveau des racines
- Installation d’un système de brumisation automatique
Techniques de bouturage spécialisées
Bouturage dans l’eau pour laurier-rose :
- Placement des boutures dans des bocaux d’eau claire
- Changement de l’eau tous les 3-4 jours
- Transplantation en substrat dès apparition de racines de 3-4 cm
Bouturage sous châssis froid :
- Construction d’un cadre en bois avec couvercle vitré
- Orientation sud-est pour optimiser l’éclairement matinal
- Ouverture progressive selon les conditions météorologiques
Calendrier de bouturage selon les régions
Zone méditerranéenne :
- Bouturage optimal de mars à octobre
- Protection hivernale légère sous voile d’hivernage
- Possibilité de culture en extérieur toute l’année
Zone tempérée océanique :
- Période favorable d’avril à septembre
- Hivernage obligatoire sous abri froid
- Reprise végétative dès mars-avril
Zone continentale :
- Bouturage limité de mai à août
- Culture exclusivement sous protection
- Plantation définitive après les dernières gelées
Sélection et amélioration génétique
Les jardiniers avertis peuvent entreprendre une démarche d’amélioration :
Sélection des pieds-mères :
- Choisir les plants les plus vigoureux et résistants aux maladies
- Privilégier les sujets aux caractéristiques organoleptiques remarquables
- Étiqueter et cartographier les plants d’élite pour les multiplications futures
Conservation de la diversité génétique :
- Éviter la multiplication exclusive d’un seul individu
- Croiser différentes origines pour maintenir la variabilité
- Documenter les caractéristiques de chaque lignée
Le bouturage du laurier, technique millénaire remise au goût du jour, offre aux jardiniers passionnés une méthode fiable et économique pour multiplier leurs plants favoris. Cette approche respectueuse de l’environnement s’inscrit parfaitement dans une démarche de jardinage durable et de préservation des variétés locales.
La réussite de cette technique repose sur l’observation attentive, la patience et le respect des cycles naturels. Chaque étape, du prélèvement à l’acclimatation finale, contribue au succès global de l’opération. Les jardiniers débutants y trouveront une excellente école de formation, tandis que les plus expérimentés pourront affiner leurs techniques et explorer des variantes spécialisées.
Au-delà de l’aspect purement technique, le bouturage du laurier développe une relation privilégiée avec le végétal et révèle la capacité extraordinaire des plantes à se régénérer. Cette pratique, accessible à tous les niveaux, transforme chaque jardinier en artisan de la biodiversité et gardien des saveurs authentiques de nos terroirs.
L’investissement en temps et en attention consenti lors du bouturage se trouve largement récompensé par la satisfaction de voir grandir ses propres créations végétales. Ces nouveaux plants, témoins de votre savoir-faire, embelliront durablement votre jardin tout en perpétuant les traditions horticoles ancestrales.